L’obésité est associée à une meilleure espérance de vie en ce qui concerne certaines maladies chroniques

Poids

En 2014, plus de 1,9 milliard d’adultes étaient en surpoids ou obèses selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Ce phénomène est bien présent également au Québec, où plus de la moitié des adultes et près d’un enfant sur quatre présentent un excès de poids. À cet égard, les coûts de santé liés à l’excès de poids, et particulièrement à l’obésité, s’établissent à 1,5 milliard de dollars au Québec. Ceci représente 10 % des coûts totaux des consultations médicales et des hospitalisations des adultes. Cela s’explique par le fait que l’excès de poids, et particulièrement l’obésité abdominale, accentue le risque de développer des problèmes de santé chez les personnes ayant un Indice de masse corporelle (IMC) et un tour de taille surpassant les valeurs normales. Si l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a qualifié d’épidémie l’augmentation des problèmes de poids, est-ce que toutes les personnes obèses courent autant de risque pour leur santé?

Un paradoxe remettant en question les bénéfices associés au maintien d’un poids santé

Depuis une dizaine d’années, certains chercheurs estiment que les gens en surplus de poids ou légèrement obèses, et particulièrement ceux souffrant de certaines maladies chroniques, vivent aussi longtemps, sinon plus, que les gens ayant un poids normal. Une méta-analyse publiée en 2013 comportant 97 études a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre en démontrant que, même si l’« obésité sévère » (IMC ≥ 35) était bel et bien associée à un plus haut taux de mortalité, les personnes qui souffraient d’« obésité légère » (IMC de 30 à 34,9) avaient une espérance de vie semblable à ceux qui avaient un « poids normal ». Selon cette même étude, l’« excès de poids » était même associé à une diminution du taux de mortalité, toutes causes confondues, ce qui a également été observé dans d’autres revues de la littérature. Cette diminution inattendue du taux de mortalité chez cette population à risque, voilà ce qu’on appelle le « paradoxe de l’obésité ». Cette protection cardiovasculaire ne concerne donc que les cas d’obésité légère (stade 1), et particulièrement les personnes âgées déjà atteintes de maladies chroniques.

Qu’est-ce qui peut expliquer ce paradoxe?

Certains chercheurs avancent qu’un IMC élevé pourrait être bénéfique chez les gens atteints de maladies chroniques puisque cet état leur confère des réserves énergétiques. Celles-ci leur permettraient de mieux combattre leur maladie et d’améliorer leur survie. Toutefois, cette hypothèse n’a pas encore été testée.

Les obèses métaboliquement sains et ayant de meilleures habitudes de vie : possiblement surreprésentés dans ces études

En regardant de plus près la méthodologie et les limites des études traitant de ce sujet, il est toutefois possible de mieux comprendre cet énigmatique paradoxe.

En effet, près d’un tiers des adultes obèses sont considérés comme étant métaboliquement en bonne santé. Contrairement aux autres personnes obèses, ces gens sont dépourvus de facteurs de risque cardio-métaboliques habituels. Par le fait même, les obèses métaboliquement sains présentent une sensibilité normale à l’insuline, une glycémie dans les valeurs normales, peu d’inflammation, et somme toute, moins de risques pour leur santé. Une revue de la littérature publiée en 2014, portant sur 15 études de cohortes (n=359,137) suivies en moyenne sur une période de 11 ans, et sur 5 études transversales (n=5,234) a d’ailleurs observé que les obèses métaboliquement sains, malgré leur excès de poids, avaient un risque cardiovasculaire légèrement plus élevé que les participants de poids normaux, et se situant en deçà des sujets obèses.

Les études traitant du paradoxe de l’obésité sélectionnent une population âgée de plus de 65 ans. Ceci signifie que les sujets sélectionnés ont « réussi » à vivre avec leur obésité jusqu’à cet âge. On peut donc supposer que les personnes qui présentaient le plus de facteurs de risque cardio-métaboliques sont décédées avant cet âge. Certains chercheurs suggèrent ainsi que ceux qui sont encore en vie risquent davantage d’être métaboliquement sains, d’avoir de meilleurs habitudes de vie et une meilleure prédisposition génétique, ce qui peut contribuer à diminuer les risques pour leur santé et expliquer, en partie, ce paradoxe.

D’ailleurs, certaines études ont même démontré que les personnes obèses qui étaient actives avaient tendance à avoir une meilleure espérance de vie comparativement aux personnes qui ne présentaient pas d’obésité et qui étaient sédentaires.

L’obésité abdominale : un facteur de risque pour la santé

L’obésité est définie par le calcul de l’IMC, une mesure approximative comportant plusieurs limites. L’obésité abdominale, faisant référence à un tour de taille élevé, est un des critères diagnostic qui est le plus clairement identifié comme facteur de risque pour la santé. Pourtant, la majorité des études traitant du paradoxe de l’obésité se basent uniquement sur les valeurs d’IMC pour classifier les personnes souffrant d’obésité. Ainsi, aucune distinction n’est faite entre l’obésité abdominale, qui est associée au syndrome métabolique, et l’obésité périphérique, moins dommageable pour la santé. Par le fait même, les risques pour la santé des personnes ayant un poids normal (IMC de 18,5-24,9) mais présentant de l’obésité abdominale peuvent être sous-estimés.

L’historique de fluctuation du poids : un facteur de risque pour la santé

Il existe également une forte corrélation entre le poids gagné depuis le début de l’âge adulte et le risque de développer certains problèmes de santé. Un gain de poids aussi modeste que 5 kg depuis l’âge de 20 ans a d’ailleurs été associé à une augmentation des risques de développer des maladies chroniques, peu importe le poids d’origine. Afin de mieux évaluer les risques pour la santé, il faudrait évaluer l’historique du gain de poids depuis le début de l’âge adulte et les changements au niveau du tour de taille, qui sont tous deux des prédicteurs de mortalité indépendants de l’IMC.

Poids normal : pas en santé pour autant

Une perte de poids involontaire en cas de maladie peut être à l’origine d’une augmentation de la mortalité chez les personnes plus minces. En effet, plusieurs maladies telles que la dépression, les maladies neurodégénératives et certaines maladies pulmonaires peuvent entrainer une perte de poids plusieurs années avant le diagnostic. Un IMC plus faible peut également être lié au tabagisme, qui est connu pour augmenter les risques de mortalité. Comme l’ensemble de ces facteurs sont rarement pris en compte dans les études en faveur du paradoxe de l’obésité, il convient donc d’interpréter leurs résultats avec prudence. À la lumière de cette analyse, comme l’IMC est utilisé comme seul instrument de classification du poids dans ces études, un poids normal peut dissimuler certains problèmes de santé, de l’obésité abdominale, de mauvaises habitudes de vie ou un historique de gain de poids important, diminuant ainsi l’espérance de vie de ce groupe de personnes. D’un autre côté, les sujets étudiés sont habituellement âgés de 65 ans et plus, ce qui semble avantager les sujets obèses métaboliquement sains, augmentant par le fait même l’espérance de vie de ce groupe. Autrement dit, les critères de sélection des sujets de ces études semblent expliquer, en partie, le paradoxe de l’obésité.

Tout compte fait, l’obésité demeure un facteur de risque important dans le développement des maladies cardiovasculaires, du diabète de type 2 et des maladies métaboliques. Pour calculer votre santé pondérale, cliquez ici.

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